Jour 39 (Suite) : Le village de Farako

On accoste… mais où?!

Un jeune attache notre pirogue à la rive et je foule la terre ferme en titubant, les jambes engourdies par ma position statique des 3 dernières heures.

Une clôture faite de branches entrelacées forme un couloir qui fait office de passage.
Elle protège un petit potager où se trouvent de jolies petites tomates ainsi que d’autres légumes.

Arrivée au village de Farako

Je distingue aussi un piège à poisson artisanal dans lequel ces dernier peuvent entrer mais pas sortir.

Un piège à poisson à l'entrée de Farako

Un vieux nous salue et un des pêcheurs lui demande où se trouve Farako. La traduction m’annonce qu’il faut continuer à pied sur 2 kilomètres ou peut-être 5 ou… 8… J’adore la précision de la chose…

On commence donc à marcher en pleine brousse.
On est vraiment au milieu de nulle part, le sol est sec et je retrouve encore une fois beaucoup de manguiers.

Panorama de la brousse vers Farako

On croise quelques vaches, chèvres et poulets en liberté, indices d’une civilisation proche. J’espère que c’est le village que je suis venu voir car la fatigue commence à être énorme.

Panorama de la brousse vers Farako

Au loin j’aperçois un mur de terre et j’accélère le pas, pressé de savoir où nous nous trouvons.

L'entrée de Farako

Enfin à Farako pour une visite très… succinte

Nous sommes accueillis par un homme d’une quarantaine d’année qui parle très bien français. Quel soulagement d’être enfin compris…
Il me souhaite la bienvenue dans le village de Farako et se présente comme le sous-préfet de la région.

La bonne nouvelle est qu’on est enfin arrivé, la mauvaise est que la nuit est vraiment très proche maintenant.

Il fait assez chaud et une jeune fille nous amène immédiatement un gros pichet d’eau tiède que l’on termine en quelques secondes. Je demande maladroitement si c’est l’eau du fleuve et le sous-préfet me répond qu’il y a de l’eau potable à Farako, et qu’il ne va pas intoxiquer un étranger avec l’eau du Niger !
Il est fier de me montrer un petit château d’eau qui alimente le village. A côté de ce dernier il y a une dizaine de panneaux solaires offerts par je ne sais plus quel pays de l’UE.

Le village de Farako au Mali

L’homme me prend pour un journaliste et me questionne sur les raisons de ma venue à Farako.
Je lui explique que je suis simplement là pour découvrir le village sur les recommandations de plusieurs personnes.

Les constructions sont faites de terre séchée et de paille, je vois beaucoup de briques faites de ce mélange qui attendent d’être utilisées.

Des briques en terre à Farako

Les habitants ont tout ce qui leur faut sur place et ne doivent pas trop souffrir de l’isolement extrême de leur village. Il y a même une mosquée pour les fidèles, les Africains étant très pieux même (surtout) dans les contrées les plus reculées.

La mosquée du village de Farako

Je continue ma visite des lieux à la recherche des fameux potiers. La pluie a donné naissance à de grosses flaques d’eau stagnante qui doivent malheureusement être de véritables nids de moustiques.

On s’arrête chez un marchand de mouton grillé pour manger un peu, les pêcheurs ont laissé beaucoup de force en poussant notre pirogue pendant plus de 3 heures de temps. Il faut de sacrés bras pour faire ce métier.
La viande est très bon marché mais de qualité médiocre. Les tripes enroulées et cuites à la braise, appelées lakhass au Sénégal, sont d’habitude un régal mais ressemblent ici à du chewing-gum de bas étage. Dommage…

Dans la rue qui se trouve devant nous, une foule d’enfant court dans tous les sens. Ils me remarquent tout de suite et me réclament des photos.
Au début il y en a 3 ou 4 puis le nombre augmente petit à petit.
A l’inverse de leurs ainés, les petits adorent être photographiés. Le fait de se voir sur le petit écran de l’appareil numérique les amuse beaucoup.

Une foule à Farako
Des enfants de Farako tapent la pose

La maison où les poteries artisanales sont confectionnées est placée tout au fond du village, ils ne travaillent pas aujourd’hui et j’ai juste le droit à un petit aperçu de leur boulot.

Je ne suis pas autorisé à prendre de clichés ici. On me demande des cadeaux en échange. Je n’ai malheureusement rien prévu à part mon passeport, le reste de mes affaires étant resté dans la voiture garé à Ségou.

Un atelier à Farako au Mali

Les pêcheurs me font signe qu’il est l’heure de rentrer car le soleil est en train de nous quitter. Je regrette que la visite ait été aussi courte, surtout après un aussi long périple.

Nous revoilà donc dans la brousse. C’est la saison des mangues et il y en a énormément en libre-service sur les arbres. On fait une petite pause pour cueillir quelques fruits qui nous offriront de précieuses vitamines.

Des manguiers sauvages au Mali

Les mangues sont vraiment de petite taille mais ont l’air bien mûres. Je décide d’attendre d’être dans la pirogue pour y goûter. Les pêcheurs bozos, eux, n’ont pas ce temps et dévorent ça sans même prendre le soin d’enlever la peau !

Des mangues sauvages trouvées au Mali

Retour sur le fleuve Niger dans l’obscurité la plus totale !!

Notre embarcation n’a pas bougé et on entame le retour.

Le soleil se couche sur la brousse

J’épluche une mangue avec mes dents et je découvre un parfum fruité et sucré que je n’avais jamais rencontré auparavant. Ces petites mangues sont un délice sans nom, les meilleures que j’ai eu à gouter dans ma vie.
On sent qu’elles sont imbibées du soleil de la brousse malienne, et je ne peux m’empêcher de penser à la fadeur de nos mangues arrivées à maturité en murisserie en France.

Le soleil vient à manquer très rapidement et nous n’avons aucune lumière pour voir ou être vu. Notre seul indice pour savoir où nous allons est la lueur presque invisible de Ségou à l’horizon.

Photo de nuit sur une pirogue avec Ségou au loin

A ce moment je suis loin d’être rassuré.
Il est sûr que je ne risque pas la noyade vu la faible profondeur du fleuve, mais une collision avec la rive ou une autre pirogue pourrait vite arriver. De plus si l’appareil photo a le malheur de prendre l’eau c’est tout le Volume 1 d’OMFL qui serait réduit à néant !

Les pêcheurs décident de passer à la vitesse supérieure et utilisent la « vraie » technique de poussée d’une pirogue.
Ils sortent un deuxième bâton que je n’avais même pas remarqué, puis un homme se place à l’avant et un à l’arrière. Ils réalisent alors des mouvements de grande amplitude en utilisant tout leur corps pour propulser notre embarcation. C’est très technique et c’est du sport !! La petite promenade tranquille est terminée, notre allure a été multipliée par 3 et de l’eau gicle partout à l’intérieur. Je me retrouve rapidement trempé.
Pendant ce temps le 3ième entame des chants Bozos dans l’obscurité. L’ambiance est unique.

Je fronce les yeux pour essayer de distinguer quelque chose mais je ne vois RIEN, je me demande comment les pêcheurs peuvent se diriger avec si peu de lumière, surtout à une telle vitesse.

En une fraction de seconde la pirogue commence à tanguer dans tous les sens, mon rythme cardiaque s’accélère et j’imagine déjà le pire ne comprenant même pas ce qui se passe. La pirogue se stabilise enfin et je peux reprendre mon souffle.
Je découvre alors que le jeune qui poussait à l’arrière a chuté accidentellement dans l’eau. Il ne peut pas remonter à bord au risque de nous faire chavirer pour de bon. L’équilibre de ce genre de petite embarcation tient vraiment à un fil. Il va donc faire des mouvements de jambe pour aider son collègue.

Fort heureusement, il ne reste plus beaucoup de chemin à parcourir et on arrive tous à Ségou mouillés de la tête aux pieds. Il est 22h45 et le gardien dont j’ai oublié le nom est là en train de nous attendre.

Je suis un peu en colère contre lui car il m’a vraiment trompé sur la durée du voyage. J’avais pourtant insisté pour être sûr, mais les sensations que je viens de vivre en valaient le coup ! Evidemment je dis ça maintenant que je suis à côté de ma voiture et que cette aventure est terminée.