Jour 50 : La tombe de Thomas Sankara

Le Che Guevara africain

Quand j’étais à Dakar, le rappeur Awadi du groupe Positive Black Soul sortait un album intitulé Présidents d’Afrique. Album dédié aux différents chefs d’état qui ont marqué positivement le continent Africain.

J’y ai fait la connaissance de Noël Isidore Thomas Sankara, ex président du Burkina Faso, grand révolutionnaire et figure emblématique du panafricanisme.

Je suis désormais dans la capitale Burkinabée et je vais tenter d’en savoir un peu plus sur ce héros national.

Exit Haute-Volta, Enter Burkina-Faso

Bill Wallace me narre la vie de l’idole de tous les Burkinabés.

En 1983, après seulement 4 mois et 7 jours au poste de premier ministre Thomas Sankara est limogé de son poste de premier ministre de Haute-Volta. Son discours anti-impérialiste fait peur au gouvernement de François Mitterrand qui met la pression à Jean-Baptiste Ouédraogo alors au pouvoir.

Moins de 3 mois plus tard, Thomas Sankara et ses partisans réussissent leur coup d’état et il décide, peu de temps après, de rebaptiser la Haute-Volta en Burkina Faso. Il opte pour un mélange de dioula et moré, les 2 dialectes majoritaires du pays. Ce nouveau patronyme signifie « le pays des hommes intègres ».

Il se lance ensuite dans une politique qui vise à stopper l’influence du gouvernement français sur les décisions prisent au Burkina Faso. Ces dernières menant à la régression permanente de son pays.

« Produisons ce que nous consommons, et consommons ce que nous produisons ! »

Un de ses objectifs est l’autosuffisance alimentaire du Burkina. Selon lui, le pays est capable de produire assez de nourriture nécessaire pour nourrir les 7 millions de Burkinabés de l’époque. Il s’oppose donc à l’aide alimentaire extérieure qu’il juge comme de l’assistanat.

Il faut consommer locale à tous les niveaux pour s’en sortir !

Il s’oppose farouchement à la corruption présente dans tous les secteurs du pays et fait régulièrement des descentes pour éradiquer ces pratiques. Les tenues officielles sont remplacées par des habits traditionnels, permettant à de nombreuses couturières de s’en sortir.

Thomas Sankara met sa vie au service de la patrie. Il va jusqu’à revendre les Mercedes du pouvoir et se déplace désormais dans une Renault 5 d’occasion !!

Il instaure un âge légal pour éviter les mariages forcés, interdit la dot et l’excision. On n’est même pas encore rentré dans les années 90 !!

Une fin bien triste

En 1986, l’objectif de 2 repas par jour pour chaque burkinabé est atteint. Thomas Sankara a réussi son coup ! A côté de ça il se permet même d’humilier François Mitterrand en personne !

Son ami d’enfance et frère d’arme Blaise Compaoré, qui se sent lésé, organise l’assassinat de son « frère ».
Le 15 octobre 1987, un commando s’infiltre dans la salle de réunion où se trouve Sankara et tue toutes les personnes présentes…

13 personnes trouvent la mort ce jour-là…

  • Noel Isidore Thomas Sankara, chef de l’état
  • Bonaventure Compaoré, employé à la présidence
  • Christophe Saba, sécrétaire permanent du Conseil national
  • Frédéric Kiemdé, conseiller juridique
  • Patrice Zagré, professeur de philosophie
  • Paulin Babou Bamouni, directeur de la presse
  • Abdoulaye Guem, garde du corps
  • Emmanuel Bationo, garde du corps
  • Amadé Sawadogo, garde du corps
  • Noufou Sawadogo, garde du corps
  • Wallilaye Ouédraogo, garde du corps
  • Paténama Soré, gendarme
  • Der Somda, chauffeur

Blaise Compaoré s’empare du pouvoir à la suite de ce putsch et est toujours président du Burkina Faso en 2010…

Le certificat de décès de Thomas Sankara nous annonce qu’il est décédé de… mort naturelle.

Le gouvernement français nie toujours toute implication dans ces meurtres sordides… Permettez-moi d’en douter fortement, beaucoup trop de morts accidentelles douteuses ont eu lieu sous la présidence de François Mitterrand… De plus, ce que Thomas Sankara était en train de réussir à faire aurait pu donner des idées aux pays voisins, ce qui n’arrangeait évidemment pas l’Elysée…

Une plaque de rue à l'effigie de Thomas Sankara

Le cimetière de Dagnoen

Apres ce cours d’histoire, je demande à Bill Wallace s’il sait où est enterré le défunt Président.
Il me répond que tous les burkinabés savent ça et qu’il va m’amener dans le quartier de Dagnoen dans le cimetière où repose le plus grand révolutionnaire du pays.

On se met donc en route vers l’est de la ville. On arrive assez rapidement et on termine le chemin à pied.

Le cimetière de Dagnoen est vraiment rustique, les tombes qui le composent sont construites sommairement et la végétation est omniprésente au fur et à mesure que nous avançons.

Le cimetière de Dagnoen

On dirait qu’il n’y a pas trop d’entretien dans ce dernier comme en témoigne les ordures présentes non loin de la sépulture de Thomas Sankara.

L'entrée du cimetière de Dagnoen

Nous arrivons assez rapidement devant une tombe au couleur du Burkina sur laquelle est inscrit le nom du capitaine. Derrière cette dernière 12 autres tombes avec les noms de ses 12 partisans assassinés le même jour que lui.
Il est évident que le gouvernement de Blaise ne met pas cet endroit en valeur au grand damne des Burkinabés.

La sépulture du Capitaine Noël Isidore Thomas Sankara
Les tombes de Thomas Sankara et ses douzes compagnons d'armes

Bill Wallace me dit que ces héros nationaux ont été enterrés à l’arrache par des détenus dans la nuit du 15 octobre 1987. Il n’y avait même pas de tombe à la base. Les sépultures qui se trouvent devant moi ont été créées et décorées beaucoup plus tard par des Burkinabés désireux de préserver la mémoire du Che Africain.

Marco sur la tombe de Thomas Sankara

« La patrie ou la mort, nous vaincrons »

Repose en paix Capitaine !!